ArtTech : une fondation aux confluences de l’art et de la science

ArtTech : une fondation aux confluences de l’art et de la science

05.10.2018 | 0 commentaires

Stimuler les idées et la créativité pour transformer le monde, tel est le dessein de la Fondation ArtTech, emmenée par l’ancien président de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), Patrick Aebischer. Ambitieux, le projet rassemble une communauté nouvelle d’universitaires, chercheurs, entrepreneurs, artistes, influenceurs et investisseurs autour d’enjeux inédits portant sur les possibilités d’explorations réciproques de l’art par la science et de la science par l’art.

En 2017, le projet démarre d’un constat : il y a urgence à se mobiliser pour que les innovations technologiques profitent à la préservation du patrimoine culturel et à la création artistique. Et quoi de mieux que la Suisse avec ses universités, ses organisations internationales, ses banques, ses centres de recherche et ses écoles d’art, avec leurs viviers d’artistes et de chercheurs, pour activer une plateforme d’idées et de projets reliant le monde académique, l’innovation technologique, l’entrepreneuriat, l’art et la culture ? Quoi de plus favorable à la création et au développement de start-up dans ce domaine que la Suisse, numéro 1 de l’innovation à l’échelle mondiale ? Lancée officiellement mais sans ébruitement il y a un an, à l’occasion de son premier forum tenu à l’EPFL, ArtTech a, depuis, pris son envol et se déploie à travers son réseau, ses lieux et ses institutions partenaires, sans apparaître pour autant au grand jour. Ses actions sont efficaces et ciblées et ses communications s’adressent, dans un premier temps, à un public éclairé, trié sur le volet. La communauté se nourrit de débats, vit, grandit, veille, agit… mais loin des projecteurs, afin de préserver l’excellence des membres et des projets. Une stratégie qui porte ses fruits puisqu’ArtTech parvient à drainer dans son sillage une pléiade de start-up et d’acteurs qu’elle connecte ou projette sur le devant de la scène. Un prix pour le soutien de ces initiatives et la création d’entreprise a d’ailleurs été créé pour favoriser le développement de cet écosystème fertile qui fait germer nombre de pépites. Il est ici question de nouveaux savoirs et savoir-faire liés au numérique, de big data, de digitalisation, de nouveaux médias, de nouvelles technologies ayant trait à la façon d’appréhender le partage et la transmission des savoirs et des arts, ou encore la préservation ou la revitalisation de la diversité culturelle en danger. Les enjeux portent aussi sur le patrimoine matériel ou immatériel, les traditions orales, les coutumes ou les langues en péril… Bref, des interrogations scientifiques, culturelles mais aussi sociétales, éthiques, et philosophiques sur le devenir de nos civilisations.

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Un temple pris en photo lors du scan par drone d’Angkor, au Cambodge.

Un temple pris en photo lors du scan par drone d’Angkor, au Cambodge.

DES START-UP AU SECOURS DU PATRIMOINE MONDIAL

Le plus petit geste digital, comme une simple numérisation, peut prendre des allures de révolution quand il s’agit de garder en mémoire ce qui va disparaître. C’est ce que démontre la Venice Time Machine, ce projet pharaonique de numérisation d’un millénaire d’archives accumulées par l’État vénitien. Porté par l’EPFL et l’université Ca’Foscari de Venise, le développement de cet outil numérique permettra non seulement d’archiver mais aussi d’accéder à des recherches intelligentes croisées, une manière d’accéder à la Venise du passé.

EN BREF
Le prochain Forum international annuel ArtTech se tiendra au campus de la Haute École d’Art et de Design, à Genève, les 11 et 12 octobre 2018. Il réunira artistes et experts de tous horizons pour des conférences, des débats et des tables rondes sur la connexion fertile et créative entre l’art et la science.
https://arttechfoundation.org/

Parmi les exemples les plus éloquents de start-up figure aussi Iconem qui restitue en 3D les sites archéologiques détruits ou pillés de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan à partir de relevés effectués par des drones. Son savoir-faire transdisciplinaire, sa connaissance très fine du terrain et ses technologies très pointues de modélisation lui ont déjà permis de constituer une bibliothèque numérique du patrimoine menacé dans plus de 24 pays du globe, en particulier en Asie et au Moyen-Orient. Outre le travail sur la mémoire, Iconem concourt aussi à la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, l’une des pierres angulaires de la lutte contre le financement du terrorisme.
Le patrimoine immatériel n’est pas en reste non plus, le numérique étant le ‘‘lieu’’ de la sauvegarde des archives vivantes le plus adéquat. C’est ce que démontre le projet Kung Fu Motion, cette exposition retraçant, au moyen des technologies d’archivage de pointe, l’histoire dynamique des arts martiaux traditionnels de la Chine et notamment le kung-fu (immortalisé par le cinéma de Jackie Chan !) mais voué à s’éteindre.

DEUX MORCEAUX MYTHIQUES STOCKÉ DANS DE L’ADN

Le problème du stockage d’informations numériques, qui est un des écueils majeurs de l’ère numérique, pourrait trouver une issue à travers le codage des donnés dans de l’ADN. C’est ce que l’on apprend par la société Twist Bioscience, qui collabore avec des équipes de l’EPFL, dans le cadre de Montreux Jazz Digital Project. Ils sont parvenus à sauvegarder deux morceaux d’anthologie, Tutu de Miles Davis, et Smoke on the Water de Deep Purple, sous la forme de séquences d’ADN qui, une fois décodées, peuvent être à nouveau réentendues sans perte de qualité. Une démonstration qui, à terme, pourrait résoudre le problème du volume et de la durée de vie de l’ensemble des données numériques. Avec cette technologie, l’ensemble du net pourrait être contenu dans un carton.

ICONEM RÉALISE LES DOUBLES NUMÉRIQUES DES SITES EN DANGER

Invitée au lancement d’ArtTech Forum l’an passé et de nouveau appelée à la tribune cette année, Iconem fait figure de proue dans le domaine de la préservation des sites archéologiques en péril. Au moyen de drones et de techniques de modélisation, d’exploration et d’études, elle est parvenue à restituer les splendeurs de la cité antique de Palmyre détruite par Daech. En Suisse, elle collabore avec l’Université de Lausanne (UNIL). Une intervention commune d’Iconem, de l’UNIL et du Massachusetts Institute of Technology est prévue lors du Forum Art Tech 2018. Elle est également partie prenante du projet Venice Time Machine sur la numérisation des archives de Venise. À l’échelle mondiale, elle est mandatée par de nombreuses institutions internationales ou gouvernements pour préserver, via “photogrammétrie” notamment, la connaissance de patrimoines menacés essentiellement par les conflits, le climat… Au fil du temps, elle se spécialise également dans la formation pour les professionnels et l’organisation d’expositions immersives au nombre desquelles “Cités millénaires, Voyage Virtuel de Palmyre à Mossoul”, organisée en collaboration avec l’Institut du Monde Arabe (Paris) et ouverte du 9 octobre 2018 au 10 février 2019.

Sophie Barenne

Images : © Iconem/DAFA/Ministère afghan des mines • © Iconem/Pascal Convert • © Iconem/Ambassade de France/APSARA/CIC-Angkor

Cet article est paru dans votre magazine L’EXTENSION / DIAMANT ALPIN Octobre-Novembre 2018. Il vous est exceptionnellement proposé à titre gratuit. Pour retrouver l’intégralité de nos publications papiers et/ou numériques, et pour soutenir la presse, vous pouvez vous abonner ici.

05.10.2018

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