Températures de l’eau sur les plages, force des courants, risques de tempêtes, présence d’algues et tourbillons: meteolakes.ch offre une large palette de prévisions sur la biophysique de divers lacs Suisses, dont le Léman. Ce système a fait l’objet d’une thèse présentée à l’EPFL.
La température de l’eau de la plage de St-Sulpice sera-t-elle favorable à un petit plongeon demain à midi? Les courants permettront-ils de se rendre à Evian en voilier ce week-end? Quel sera, dans deux jours, le meilleur endroit pour faire des prélèvements d’algues? Les réponses sont sur la plateforme meteolakes.ch. Créé il y a trois ans par Theo Baracchini, doctorant au Laboratoire de physique des systèmes aquatiques de l’EPFL (APHYS), ce système avait à l’origine un but essentiellement scientifique: offrir aux chercheurs des données sur l’évolution de la physique et de la biologie du Léman à des échelles spatiales et temporelles auparavant inaccessibles avec les mesures traditionnelles. Mais comme le démontrent les quelque 330 visites enregistrées quotidiennement l’été dernier, il a rapidement trouvé une utilité auprès de publics bien plus larges: baigneurs, navigateurs, administrateurs de plages, plaisanciers, plongeurs, pêcheurs, touristes, amoureux de la nature et autres curieux. Au fil du temps, le jeune chercheur a développé la plateforme et en a aussi fait une partie de sa thèse .
«La plateforme meteolakes.ch est unique, notamment parce qu’elle regroupe les données des trois sources d’information lacustres existantes: les images satellites, les mesures in situ, et les simulations numériques tridimensionnelles», explique Theo Baracchini. Ne proposant au départ des informations que sur la température de surface et les courants moyens, le site s’est rapidement enrichi de nouveaux paramètres, tels que la concentration en algues, le taux d’oxygène et la possibilité de visualiser les données à différentes profondeurs. Le chercheur a également affiné les simulations numériques en introduisant les apports – en termes de débits et de températures – des quatre rivières principales alimentant le lac: le Rhône, la Dranse, l’Aubonne et la Venoge.
Système d’alerte
De plus, de nouvelles fonctionnalités ont été ajoutées. Un système automatique d’alerte permet d’identifier, jusqu’à 4 jours et demi à l’avance, des événements physiques notables, tels que les forts courants de tempête ou les remontées exceptionnelles d’eaux froides (upwellings). Un email est alors envoyé à une liste d’abonnés afin de les prévenir.
Une autre application intéressante est un traqueur de particules: dans le champ de courants modélisés, on peut désormais simuler la dispersion de particules, par exemple des polluants, ce qui a permis d’élucider la source d’une précipitation de calcite (soudaine couleur blanche de l’eau) en 2014 et pourrait notamment être utile pour des opérations de recherche et de sauvetage.
Dans une optique d’Open Science, afin de promouvoir l’étude interdisciplinaire des lacs, la plateforme met également à disposition les résultats des modèles hydrodynamiques 3D sous forme de données brutes. Un utilisateur peut ainsi faire une commande de données précise pour un lieu, une période, une variable et une profondeur spécifique. Le système extraira les données automatiquement et les lui enverra sous forme de fichiers formattés.
Un écosystème dynamique
Enfin, la dernière nouveauté est l’assimilation de données en temps réel, doublée d’un flux d’information circulaire: lorsqu’un satellite survole le Léman, ses données sur la température de surface sont désormais intégrées au modèle numérique, qui lui-même permet de planifier des campagnes de mesures in situ, à partir desquelles les meilleures images satellites sont sélectionnées. Meteolakes a ainsi créé un système où chaque source de données bénéficie d’une autre. Une opération qui permet également de quantifier et réduire les incertitudes, positionnant ainsi la plateforme parmi les systèmes opérationnels lacustres les plus avancés au monde.
En offrant une vision plus complète du lac, Meteolakes permet de réaliser que le Léman ne livre, de loin, pas tous ses secrets à la seule vue de ses paysages ou de sa surface. «Il est un écosystème vital, complexe, bien plus vivant et dynamique qu’on ne l’imagine, relève Theo Baracchini. En plus d’étudier et prédire ses réactions aux changements climatiques globaux ou aux événements météorologiques extrêmes, le but de cette plateforme est aussi de mieux le faire connaître à ceux qui vivent sur ses rives.»
Auteur: Sarah Perrin
Source: Environnement Naturel, Architectural et Construit | ENAC