Page 53 - L'Extension N° 62 / Janvier-Février 2018
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TRIBUNE LIB RE
La prospérité et la protection
du climat ne sont pas antinomiques
DORIS LEUTHARD,
CONSEILLÈRE FÉDÉRALE SUISSE, CHEFFE DU DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DE L’ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS, DE L’ÉNERGIE ET DE LA COMMUNICATION (DETEC)
e changement climatique se Il nous incombe désormais de mener une 2030 par rapport à leur niveau de 1990.
profile comme le plus grand politique climatique déterminée. Une pro- Pour y parvenir, nous misons sur une
défi de notre époque – pour la tection efficace du climat passe par la poli- combinaison entre progrès technologique,
«L Suisse et pour le monde entier. tique énergétique. C’est pourquoi la Suisse normes techniques plus strictes et mesures
Les événements survenus dans mon pays a révisé sa loi sur l’énergie. Cette loi vise d’incitation. Et les bâtiments, les trans-
l’année dernière en sont la preuve. Les gla- à améliorer l’efficacité énergétique et à ac- ports, l’industrie et l’agriculture offrent un
ciers reculent. Le pergélisol fond. Les glis- croître la part des énergies renouvelables, certain potentiel.
sements de terrain et les laves torrentielles c’est-à-dire des agents énergétiques ne dé-
se multiplient. En Suisse, les températures gageant pas de CO 2 comme l’eau, le vent, La Suisse a déjà pris un grand nombre de
ont augmenté en moyenne plus fortement le soleil et la biomasse. Nous voulons éga- mesures : notre politique climatique et la
que partout ailleurs. Les conséquences du lement réduire les combustibles fossiles mise en œuvre des objectifs de Kyoto ont
changement climatique se font sentir plus dans les secteurs des transports et de la permis de réduire les émissions de gaz à
rapidement que nous le souhaiterions. J’en construction. effet de serre dans tous les secteurs depuis
ai pris la mesure l’été dernier au cours d’un 1990, à l’exception des transports. Il faut
voyage dans l’Arctique : la glace y fond à souligner également que ces progrès ont
un rythme effréné et jamais on n’y avait été réalisés sans sacrifices économiques.
observé un hiver aussi doux que cette an- « Le monde doit rapidement Nous avons en effet réussi à montrer que
née-là. Les climatologues craignent donc mettre en œuvre l’accord croissance économique ne rime pas forcé-
qu’au pôle Nord, le premier été sans ban- de Paris 2015 sur le climat. » ment avec hausse des émissions de CO 2.
quise soit une réalité d’ici quelques années Autrement dit : la prospérité et la protec-
à peine, c’est-à-dire deux décennies plus tôt tion du climat ne sont pas antinomiques.
que prévu.
En matière de protection du climat, il
La hausse des températures ne s’arrête pas est nécessaire de réfléchir et d’agir à plus
aux frontières. La coopération internatio- long terme. Cela ne signifie pas que nous
nale est inéluctable. Je partage donc l’avis remettons nos décisions à plus tard. Au
du président français Emmanuel Macron contraire : l’attentisme coûte bien davan-
selon lequel le monde doit maintenant tage avec comme corollaire de nombreux
rapidement mettre en œuvre l’Accord de dégâts toujours plus difficiles à réparer.
Paris de 2015 sur le climat. Tous les pays Nous sommes responsables de nos actes
ont l’obligation de continuer ensemble et mais aussi de notre inaction. En collabo-
de manière cohérente dans cette voie qu’ils ration avec la France et d’autres pays qui
ont plébiscitée, même si les États-Unis, qui vont de l’avant, la Suisse continuera donc à
comptent parmi les plus grands pollueurs jouer un rôle actif dans la politique clima-
de la planète, se retirent de l’Accord de tique internationale. » n
Paris sous la présidence Trump.
Malgré cela, et bien que nos émissions par
Photo : © Marc Wetli nement suisse entend réduire de moitié
habitant soient déjà très faibles, le gouver-
les émissions de gaz à effet de serre d’ici
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