Être locavore, c’est consommer des produits locaux et saisonniers et lutter, à l’échelle du citoyen, contre les dérives.
C’est également connaître l’histoire du terroir et des cultures, et comprendre la biodiversité… La tradition doit aussi s’adapter aux changements pour permettre aux espèces de perdurer.
Quand on habite au bord d’un lac alpin et que l’on privilégie le terroir, la cuisine authentique, le goût, la transmission, et donc, les circuits courts, il est difficile d’incorporer spontanément du saumon et de la dorade dans nos petits plats. Ce n’est pas être chauvin que de favoriser le local, d’autant que les poissons de notre région – truite, brochet ou autre omble chevalier, sont savoureux et suffisamment courants pour laisser aux bretons les poissons de l’Atlantique. Franck Meyer, fidèle bras droit de Michel Roth, de l’hôtel Genevois ‘‘Président Wilson’’, étoilé au guide Michelin, fourmille toujours d’idées et de recettes valorisant les ressources locales. Il nous invite, cette fois, à émoustiller nos sens avec la féra du Léman, ce poisson à chair fine et délicate qui est aussi le plus capturé dans les eaux lémaniques.
Mais s’agit-il vraiment de féra du Léman ? La dénomination est en réalité un peu usurpée car l’espèce s’est éteinte, tout comme l’autre espèce indigène du Léman, la gravenche, au début du siècle dernier. Celle que nous pêchons aujourd’hui est une autre variété (corégone blanc), provenant des lacs de Neuchâtel et Constance, introduite dès les années 1920 dans le Léman. On utilise malgré toute la dénomination ‘‘féra’’ autour du Léman ou du lac d’Annecy, mais celle de ‘‘palée’’ à Neuchâtel, ‘‘lavaret’’ du Bourget ou de Nantua, ou encore ‘‘albeli’’, ‘‘albick’’ ou ‘‘palchen’’ en Suisse alémanique.
UN ECOSYSTÈME À PROTÉGER
Avec 736 tonnes de rendement, la féra est l’espèce la plus pêchée dans le Léman (contre 192 tonnes pour la perche) mais enregistre pour la troisième année consécutive une baisse sensible (-99 tonnes). De son côté, la perche voit son tonnage augmenter pour la première fois en cinq années consécutives (+21 tonnes, soit 12% d’augmentation par rapport à 2015).
(Rapport de la Commission internationale de la pêche dans le Léman du 5 octobre 2017)
« Il est présent à profusion, mais il semblerait que les prises soient en diminution », précise Laurent Cavallini, chef des gardes dans le canton de Vaud. Un constat suffisamment inquiétant pour que la commission internationale de la pêche dans le Léman se penche sur la question pour en comprendre les raisons et livre ses conclusions cet automne. Il faut dire que l’histoire de la féra (la vraie) est suffisamment instructive pour ne pas la reproduire. C’est la pêche inconsidérée par l’emploi du ‘‘grand pic’’, ce haut filet destiné à la capture, puis l’utilisation des coubles (série de filets attachés les uns aux autres) de plusieurs centaines de mètres qui ont eu raison de la féra en 1920.
Et puis, dès les années 1950, c’est la pollution des eaux qui nous a mis devant de nouveaux défis. Certaines espèces ont accusée, une baisse de rendement très marquée notamment dans les années 1970 et début 1980 non seulement à cause de la pêche intensive, le fléau de tous les temps, mais aussi l’eutrophisation. Depuis, des mesures de repeuplement et de protection de la faune aquatique (notamment le premier accord franco-suisse sur la pêche dans le Léman en 1980) régissent les méthodes de pêche pour prévenir l’extinction des espèces. Pourtant, l’équilibre de l’écosystème demeure délicat et nous rappelle qu’il est bon de s’informer pour adapter nos petites recettes et nos habitudes de consommation. C’est aussi ça, l’avantage des circuits courts.
Recette
Féra croustillante, gnocchi végétal gratiné de moules au champagne
• 4 pavés de féra de 140 gr (sans peau, sans arrêtes)
• 250 gr de moules décoquillées
• 50 gr de beurre
• 4 fines tranches
de pain de mie
• 1 jaune d’oeuf
Assaisonner de sel, poivre et badigeonner de jaune d’oeuf le pavé de féra. Déposer la tranche de pain de mie sur la féra. Dans une poêle, rôtir le pavé au beurre côté pain 3 minutes puis cuire de l’autre côté 2 minutes.
Réserver.
de poireau
• 500 gr de blanc de poireau
• 150 gr de semoule fine
• 1 oeuf
• 1 cuillère à soupe d’huile d’olive
• Sel / poivre
Dans une casserole, faire suer à l’huile d’olive le poireau jusqu’à une cuisson fondante. Refroidir, bien égoutter et mélanger avec la semoule fine, l’huile d’olive, l’oeuf. Rectifier l’assaisonnement. Façonner les gnocchi de poireau et les blanchir dans l’eau salée. Égoutter et rôtir les gnocchis au beurre dans une poêle antiadhésive.
• ¼ litre de fumet de poisson
• ¼ litre de jus de moule
• 150 gr de crème double
• 3 feuilles de gélatine
• ¼ litre de champagne
• Sel / poivre
Porter à ébullition le fumet et le jus de moule. Réduire de moitié, ajouter la crème double. Hors du feu, ajouter le champagne et la gélatine. Rectifier l’assaisonnement.
• 100 gr d’échalotes ciselées
• ¼ litre vin blanc
• 10 cl de vinaigre blanc
• Décor et finition
• Pousses de frisée blanche
Dans une casserole, porter à ébullition tous les ingrédient et cuire à feu doux jusqu’à évaporation du liquide. Réserver.
• Pousses de frisée blanche
Dans une assiette creuse, mettre les moules décortiquées, les gnocchis de poireau. Ajouter la sauce champagne puis mettre à gratiner sous la salamandre. Ajouter la féra, les pousses de frisée et une quenelle d’échalote confite.
Sophie Barenne