Gaznat investit massivement dans la recherche pour se positionner comme l’une des clés de voûte de la transition énergétique en Suisse. Une place que la société gazière a bien du mal à imposer aux politiques qui, pour des raisons idéologiques, ne sont guère favorables au gaz naturel. Dans ce contexte de défiance, le gaz a-t-il encore ses chances ?
2018 offre l’occasion à Gaznat de célébrer son 50e anniversaire ; l’opportunité également pour la société gazière d’affirmer son ancrage dans le futur et ses efforts dans la recherche. En l’état, même si le gaz, troisième agent énergétique de Suisse derrière le pétrole et l’électricité, jouit d’une notoriété et d’un capital confiance auprès des consommateurs, son avenir pourrait bien s’assombrir dans la perspective d’un monde sans énergies fossiles.
ÉNERGIE DE SUBSTITUTION À COURT TERME
En Suisse, la transition énergétique telle que formulée par les autorités dans la stratégie 2050 du pays, tend à l’abandon du nucléaire, à la diminution des énergies fossiles et au développement du renouvelable pour remplir l’objectif d’une diminution de 50 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 par rapport à 1990. Pour l’heure, les énergies renouvelables n’étant pas encore en mesure de prendre la relève, le marché du gaz (13,5 % de la consommation d’énergie finale) est en phase ascendante. Sûr et concurrentiel, il devrait continuer sa progression car il permet de réduire, dans les délais les plus brefs et à des prix abordables, les émissions de gaz à effet de serre imputables aux énergies fossiles tels que pétrole, mazout, diesel, essence et charbon occulte de l’électricité importée.
Le gaz est une molécule incolore et inodore. Toutefois, afin de déceler les fuites éventuelles, un produit odorant y est adjoint, permettant ainsi de détecter sa présence bien avant que le seuil de dangerosité ne soit atteint.
En effet, dans le domaine du chauffage, la moitié des immeubles est encore chauffée au mazout et pourrait être facilement convertie au gaz naturel pour comprimer d’un coup les émissions de CO2. En ce qui concerne l’électricité, le gaz pourrait dès à présent remplacer la production actuelle des centrales nucléaires pour éviter de se tourner vers les importations, et donc vers de l’électricité produite dans des centrales au charbon. L’argument vaut aussi pour la mobilité : la généralisation des automobiles au gaz naturel contribuerait à la compression des émissions de CO2, d’autant que la technologie est déjà mûre et les infrastructures développées. Le gaz a donc encore quelques beaux jours devant lui en tant qu’énergie de substitution et n’attend plus qu’un signal du prix du carbone, qui fait encore défaut et n’encourage pas la production par des moyens propres. En Europe, la taxe CO2 tourne autour de 8 euros, ce qui reste encore trop éloigné de la vraie valeur de compensation. En Suisse, à 96 francs, elle est assez élevée et pourrait inciter à la substitution par le gaz de la production d’électricité, si l’électricité importée était elle aussi taxée, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui et crée une distorsion en faveur de cette dernière, pourtant très polluante.
DÉCARBONATION ET GAZ VERTS
Une vision à plus long terme, avec un système de compensation plus justement évalué, pourrait offrir aux gaziers l’opportunité de proposer des réponses innovantes très adaptées, notamment en captant et en stockant le CO2 afin de le valoriser sous diverses formes.
L’industrie gazière multiplie les efforts de recherche dans ce domaine. De par la publication des travaux de la Chaire “Gaz Naturel” – Petrosvibri à l’EPFL, menés par le professeur Lyesse Laloui, la Suisse fait d’ailleurs figure de leader en la matière. Elle possède la technologie et les propriétés géologiques qui lui permettraient, comme la Norvège, de séquestrer le CO2 dans le sous-sol mais la population et les politiques se montrent encore très frileux. Outre la décarbonation, le gaz doit également s’engager dans la voie de l’écologisation. En effet, même s’il représente la plus vertueuse des énergies fossiles, il n’en demeure pas moins fossile. L’industrie gazière, qui voit tout le potentiel d’un approvisionnement entièrement renouvelable, projette donc de porter la part des gaz renouvelables à 30 % du marché de la chaleur d’ici à 2030. Elle devrait pour cela bénéficier du soutien politique qui lui est encore refusé aujourd’hui. En effet, à l’heure actuelle le biogaz ne figure pas parmi les énergies renouvelables citées dans les prescriptions énergétiques applicables aux bâtiments. Encore pire, le biogaz importé par réseau est assujetti à la taxe sur le CO2…
Le rôle du gaz dans l’intégration des énergies renouvelables est également primordial. Car la vraie difficulté n’est pas tant le manque d’électricité mais le manque de phasage entre l’énergie disponible et la demande. Le réseau gazier, utile au transport autant qu’au stockage de l’énergie, lui permet de pallier avec souplesse les éventuelles carences d’approvisionnement (en hiver notamment) ou au contraire, de stocker sous forme gazeuse les excédents d’énergie photovoltaïque ou éolienne après leur conversion par électrolyse et méthanisation (powerto- gas)*.
UNE PLACE ENCORE SUJETTE À CONTROVERSE
Le gaz est l’un des maillons forts de l’avènement d’un approvisionnement énergétique renouvelable et durable. Il répond aux exigences de sécurité d’approvisionnement ainsi qu’aux exigences écologiques dans une stratégie ambitieuse et évolutive. Dans cette vision pragmatique qui, en toute humilité, soutient que l’on ne peut pas encore se passer totalement du fossile, le gaz naturel fait partie de la solution et non du problème.
*Lorsque la demande d’énergie est inférieure à la production, la technique novatrice du powerto- gas permet de convertir l’électricité excédentaire d’origine renouvelable en hydrogène ou en méthane puis de l’injecter dans le réseau de gaz naturel afin de la stocker.
Sophie Barenne